This is a French translation of our Season 1 comic “Soylent Piebald” and its accompanying commentary, by Samuel. Click on the image for the full-sized version:
Comme pour beaucoup de nos planches, l’inspiration de celle-ci provient de nombreuses sources.
Tout d’abord, le titre est une référence évidente à Soleil vert. Bien que dans le film l’accent soit mis sur la surpopulation et la destruction des ressources naturelles, j’ai toujours été fasciné par la facilité avec laquelle on affuble les choses d’étiquettes qui les rendent plus acceptables. Nous ne mangeons pas une vache, un cochon ou une poule, mais du bœuf, du porc ou du poulet. Les hommes et les femmes du futur ne mangent pas de la viande humaine, mais du Soleil Vert1. Ces étiquettes tiennent à distance une vérité désagréable : nous mangeons des animaux qui ont été nourris et élevés dans le seul but d’être abattus pour la plus grande satisfaction de nos papilles. Avec la viande des supermarchés, emballée dans du plastique, la distance psychologique entre ce que nous mangeons et la manière dont cela est produit devient de plus en plus grande. Et je ne suis pas convaincu que cette distance soit une bonne chose2.
Mais qu’est-ce que la viande ? La question est la deuxième source d’inspiration de cette BD : j’ai toujours aimé disséquer les choses pour les réduire à leurs composants élémentaires. J’étais le gosse qui démonte tout… et arrive parfois à le remonter… Dans une galerie d’art je suis le visiteur qui s’interroge sur la quantité de graphite qu’il est nécessaire de déposer sur le papier pour qu’une ligne devienne un dessin. Je suis celui qui aime taquiner ses amis végétariens en leur faisant remarquer que le bœuf n’est rien d’autre que de la cellulose, de l’air et de l’eau qui ont subi une transformation3. Heureusement pour les végétariens refoulés qui aimeraient arrêter la viande, mais n’ont ni la volonté ni le goût pour cela, les scientifiques, ces maîtres de la déconstruction, ne devraient pas tarder à mettre au point une savoureuse viande artificielle.
Cette BD pose également, de manière subtile, la question de notre vision anthropocentrique de l’univers. Pour nous une vache est clairement un animal, pas une machine ; mais pour les Gris, c’est une machine, pas un animal. C’est peut-être une question de sémantique, ou peut-être les Gris se considèrent-ils eux-mêmes comme des machines. Ou encore, leur biologie est si différente de la nôtre qu’ils sont incapables d’établir le lien entre les créatures vivantes qu’ils connaissent et l’assemblage confus d’étranges organes bovins qu’est Marguerite. S’il y a de la vie quelque-part dans l’univers, elle ne sera pas forcément basé sur l’ADN ou sur quelque-chose s’en approchant. Mais il est difficile, voire impossible pour nous autres humains de concevoir la vie sous d’autres formes que la nôtre4.
Et finalement, bien sûr, nous essayons toujours de comprendre ce que les extraterrestres peuvent bien chercher à faire avec nos vaches !
NdT:
1 – Pierre Desproges disait : « Nous vivons dans un monde qui a résolu tous ses problèmes en appelant un chat… un chien ! »
2 – Sur cette distance, viande synthétique, le cannibalisme et le reste, voir la nouvelle d’Arthur Clarke : la Nourriture des dieux (dans le recueil le Vent venu du soleil)
3 – Comme cette transformation nécessite 100 000 litres d’eau potable et des tonnes de végétaux pour produire un seul kilo de bœuf, les végétariens n’ont peut-être pas tout à fait tort de préférer consommer directement ces plantes et cette eau.
4 – Pas impossible pour tout le monde puisque Arthur Clarke a imaginé de nombreuses alternatives à notre forme de vie. La nouvelle Croisade, toujours dans le Vent venu du soleil en est un très bel exemple. Mais nous parle-t-il ici d’une forme de vie ou d’une machine ?
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